Juin 2003

Depuis quelques jours j’errais chez les bouquinistes et brocanteurs de la ville afin d’y trouver un roman épuisé de Marcel Aymé. J’empruntai une rue me paraissant inintéressante quand je découvris une petite bouquinerie ; c’est ainsi que je fis la connaissance de Noirphanion, propriétaire des lieux. Après que je lui eus expliqué pourquoi je cherchais tel roman et non un autre, lui ayant aussi exprimé le souhait d’avoir son avis d’auteur (car il écrit), il me proposa de revenir le lendemain après-midi. Je lui apportai donc les premières pages d’un essai, rédigées de ma main avec le plus grand mal, sur Marcel Aymé. Il m’invita à m’asseoir après quelques civilités.

« - J’ai lu les pages de ton essai généalogique, j’aimerais … si tu me le permets, te faire deux ou trois suggestions, ton texte est trop lourd !… me dit-il.

- Je me suis lancé dans quelque chose d’assez difficile, pourtant je voudrais partager un savoir, et ce, me servant du fait que Marcel Aymé se trouve être apparenté à ma famille !

- Il faut l’aérer, tu parles des laboureurs au 17e siècle, du Jura, de Marcel Aymé, des francs-maçons, tu pourrais sauter deux lignes, placer un taquet … ou écrire sous une autre forme ! »

 

Marcel Aymé se trouve être apparenté à ma famille par sa grand-mère paternelle, Anne Gay, elle est née le 6 octobre 1828 dans un village du Jura, Le Deschaux. Anne descend en ligne directe de Claude Gay, troisième fils de Jacques, dit honorable et de demoiselle Etiennette Courcenet ; moi-même, je descends du fils aîné Pierre (1662-1733) marchand-laboureur à Tassenières (Jura).

 

« - Ton travail est très intéressant, je te donne ici mon avis personnel. Comment as-tu obtenu de telles informations ? Poursuit Noirphanion.

- Quelques laboureurs sont aussi marchands, comme mon ancêtre. Les actes notariés permettent parfois d’obtenir une vue générale de l’exploitation. Jacques est dit propriétaire de deux maisons à Tassenières, de champs et de prés, il a des outils de culture, les grains nous renseignent sur ce qu’il cultive et produit, il a aussi du bétail. A cette époque les revenus d’un laboureur étaient souvent complétés par d’autres occupations ! Le laboureur est au sens strict le paysan qui peut labourer, qui a donc un attelage.

- Le mot laboureur correspond donc à des réalités très différentes selon les lieux, et aussi les périodes.

- Oui, et il participait à la gestion de la communauté rurale, par exemple Nicolas Gay était greffier en la justice en la terre et seigneurie de Tassenières en 1711 ; nous pouvons en déduire qu’il savait écrire ! »

 

J’ai lu la biographie de Marcel Aymé, l’auteur n’est autre que Michel Lecureur[1], responsable de l’édition des œuvres de Marcel Aymé dans la Pléiade. Il écrit que Faustin Aymé[2], le père de l’écrivain, se signalait par des yeux bleus (comme mon grand-père René)… Faustin est né le 29 avril 1859 au Deschaux. Il fut brigadier maître maréchal-ferrant au premier régiment de Dragons, vécut à Gray, Lure et Joigny. Auparavant il avait appris le métier de la forge. Très tôt il a manifesté le souhait de quitter la terre sur laquelle son père Jean-François peinait pour élever ses enfants ; d’ailleurs ce dernier est décédé à quarante-cinq ans seulement.

Faustin Aymé fut initié à la franc-maçonnerie en octobre 1904 au Grand Orient de France, il en restera membre jusqu’à sa mort ! Michel Lecureur écrit en page 25 de la biographie : « L’entrée en maçonnerie de Faustin fut déterminante pour la suite de son existence. » Emma, la mère de Marcel, est décédée le 18 juillet 1904 à Tours des suites d’une insolation. Marcel Aymé a beaucoup hérité dans son physique des Monamy.

 

Le grand-père maternel de Marcel Aymé était aussi anticlérical, Auguste Monamy a été propriétaire d’une tuilerie, d’une ferme et d’un moulin à Villers-Robert (Jura), il avait épousé Marie-Françoise Curie. Au sujet de Villers-Robert, Marcel raconte dans « Les jours », que quand il connut la tuilerie, cette dernière était sur son déclin, il ne devait rester que trois ou quatre employés.

Ces Monamy ont certainement un lien avec ceux qui figurent dans ma lignée ascendante, car le père d’Auguste, Pierre Monamy, est né le 3 octobre 1814 à Tassenières, il était aussi tuilier. Marié en 1836 avec une demoiselle Richard, il décède en août 1837.

 

L’habitude est prise, je me rends chaque après-midi à la bouquinerie, les discussions avec Noirphanion sont des plus enrichissantes ; aussitôt franchi la porte, je cours plonger les mains dans un carton quand il m’annonce :

« - J’ai les Jules Romains, il doit y avoir le tome 7 des hommes de bonne volonté où il est question de la franc-maçonnerie[3].

- Enfin je le tiens ! Combien je te dois ?

- 6 euros. Il fallait avoir un esprit révolutionnaire pour être admis en maçonnerie ! Ajoute Noirphanion.

- Aujourd’hui la franc-maçonnerie n’est plus aussi secrète, j’ai consulté le site du Grand Orient de France sur Internet, l’obédience à laquelle appartenait Faustin… Les francs-maçons de Tours connaissaient les idées avancées du père Aymé, ce sont eux qui l’ont contacté ! Ce qui m’attire c’est le côté initiatique.

- Jules Grévy aussi était maçon ! … »

 

Marcel Aymé est né le 29 mars 1902 à Joigny (89), baptisé le 8 mai 1910 à Dole, il avait alors huit ans, c’est sa grand-mère Marie-Françoise, après le décès d’Auguste Monamy, qui prit cette initiative en raison de sa foi. Marcel épouse à Paris le 16 avril 1931 Marie-Antoinette Arnaud.

Parmi les œuvres de Marcel, je préfère les romans dits de la province, par exemple « La Table-aux-Crevés », « Gustalin », ou encore « La Vouivre ». Grand-père René était le contemporain de Marcel, sept générations les séparent de l’auteur, ce qui fait d’eux de lointains cousins. (L’auteur est l’ancêtre à partir duquel on recherche les descendants, ici il s’agit de Jacques Gay).

 

Noirphanion n’a fait aucune allusion au chapitre où je relate le duel de Philibert, cet événement semble ne pas l’avoir marqué au moment de sa lecture des pages brouillons de mon essai ; pour moi c’est plutôt l’inverse, plus que la présence de M. Aymé dans les branches de mon arbre généalogique !

 

Un petit village, Tassenières, le cimetière entoure l’église. Philibert Courcenet, cousin de Nicolas Gay, le greffier, était docteur en droit et avocat au Parlement. En 1719, une rémission lui est accordée par le roi Louis XV[4], à l’occasion de la mort du sieur Benoît Picolet, tué en défense légitime par l’avocat Ph. Courcenet à Tassenières, un dimanche à la sortie des vêpres le 17 juin 1719. Nicolas Gay, mon aïeul, Antoine-Joseph Gay, celui de Marcel Aymé par sa grand-mère, en furent-ils témoins ? Ce serait possible, vu qu’ils habitaient Tassenières et étaient de la même génération, cousins germains.

 

On m’avait proposé de rédiger l’essai sous la forme d’un récit, je voyagerais dans le temps à l’aide d’une machine, je relaterais le vécu de chacun à mon retour, comme si j’en eusse été témoin ! Je n’ai pas ce talent … et je n’ai pas besoin de machine ! Pour moi c’est une véritable passion que de rechercher tout ce qui peut être un reflet hors du temps. Comme l’écrit si bien une poétesse[5] « il y a quelque chose qui se perpétue. Mystérieux cheminement de l’esprit. ». Je suis certain que ce qui n’est plus vivant le devient à nouveau, même si ce n’est qu’un bref instant, par une signature au bas d’un document ancien, d’une photographie usée, au travers des grains d’un vieux rosaire, c’est ce que j’entends dans ses vers.

« - Tu connais mes idées là-dessus ! » me dirait Noirphanion.

 

Pour en revenir à l’histoire du duel, celle-ci est citée dans un essai de généalogie de la famille Courcenet (1913), l’auteur en est Louis-Claudius Courcenet. L’avocat Philibert était marié à demoiselle Claudia Dauphin. Il décède le 10 octobre 1739 à l’âge de 56 ans.

Nous portons en chacun de nous (je parle pour ma famille) un peu de tous, de l’honorable Jacques Gay, certainement aussi de Nicolas, le greffier, inhumé dans l’église de Tassenières, et du très lointain Jehan Courcenet dont nous ne savons rien si ce n’est, par une signature sur un acte notarié, qu’il hérita en 1612 de Catherin Courcenet.

Marcel Aymé repose au cimetière Saint-Vincent dans le 18e arrondissement, je m’y suis promené lors de mon séjour à Paris, j’ignorais alors ce qui me liait à Faustin et Marcel Aymé.

 

«  - Ta famille me paraît tout de même réactionnaire, attachée au parti de l’ordre !

- Oui, Noirphanion, mais remarque que l’anarchisme n’a pas donné de résultats bien brillants, des attentats perpétrés par des illuminés !

- Il ne faut pas se voiler la face, il fallait au siècle dernier répondre à la violence par la violence ! Surenchérit Noirphanion.

- Alors au 21e siècle vous êtes la tendance dernier cri rousseauiste ? La franc-maçonnerie, elle, a eu un rôle décisif durant la Troisième République !

- Il ne peut y avoir d’anarchiste digne de ce nom en maçonnerie ! Elisée Reclus[6] y est passé, il n’est pas resté !! » me répond Noirphanion.

 

Mais faisons un court détour par le 19e siècle qui expliquera la réaction du bouquiniste.

Alors qu’Anne Gay épouse en 1843 au Deschaux Jean-François Aymé, mon trisaïeul Claude Gay est militaire dans un régiment de lanciers et libéré en 1847 avec le grade de Brigadier. Il est déclaré être cultivateur sur son acte de mariage à Tassenières ; il était le petit-neveu des grands-parents de son épouse Marie Duvillay. Quand la révolution de février 48 éclata, il n’y avait pas en France de parti bonapartiste, mais les amis du prince Louis-Napoléon commencèrent à faire une propagande active jusque parmi les ouvriers, le neveu du grand empereur représentait le parti de l’ordre ; il fut élu président de la république le 10 décembre 1848.

Claude Gay s’engage dans la gendarmerie en 1851, après avoir prêté serment devant le tribunal de Pontarlier il est actif dix-huit ans à Levier et à Maîche (Doubs), c’est-à-dire tout au long du Second Empire ; il achève sa carrière en 1869 avec le grade de maréchal des logis et plusieurs décorations militaires. Marie-Claudine Gay[7], sa mère, mentionne ses trois filles et son unique fils Claude sur son testament, elle fait suivre le prénom de ce dernier par : gendarme impérial, ce qui veut dire qu’elle en était certainement très fière. Mon trisaïeul repose depuis le 23 juin 1892 dans le caveau de famille à Fraisans (Jura). Il existe aux archives militaires du château de Vincennes une lettre manuscrite de sa veuve, Marie Duvillay, envoyée au ministère des armées pour l’obtention d’une pension ; Marie disparaîtra le 25 septembre de la même année.

 

«  - Tu dois t’émanciper de toute tutelle, sois individualiste, humain, peu importe si Dieu existe ou pas, fais ta révolution … tant qu’il y aura des religions il y aura des guerres, décapitons Dieu s’il existe ! Noirphanion a parlé.

- La franc-maçonnerie ayant comme objets essentiels la recherche de la vérité et le perfectionnement de l’humanité ne peut avoir pour fondement que la liberté de conscience, de croyance, de pensée ; cet article me suffit ! » 

 

Nous trouvons beaucoup de traces de catholicité dans les documents concernant nos ancêtres et leur histoire. Etiennette Courcenet a été baptisée le 8 mars 1641 à Dole, alors que les Courcenet possédaient une grande partie des terres de Bretenières (Jura). Pourquoi à Dole ? Peut-être du fait que Dominique son père était procureur d’office. Dépendait-il de Dole qui a été longtemps la capitale de la Franche-Comté et le siège du Parlement ? L’acte de baptême est rédigé en latin. Pierre Gay, le fils aîné de Jacques et d’Etiennette, est inhumé dans l’église, près de la chapelle du Saint-Rosaire (13 avril 1733), la dalle n’est plus visible malheureusement, la chapelle a été carrelée au cours du 19e siècle, à ce jour il ne reste plus que l’indication manuscrite du curé sur l’acte de décès, rédigé en français. Je me souviens avoir visité l’église de Tassenières une première fois en 1974, j’ai pu y découvrir dans les allées plusieurs inscriptions funéraires des familles Courcenet, Gay, Grévy, certaines très usées par les passages répétés des fidèles. « Il est des présences si vivantes qu’elles débordent la réalité de tous les jours » comme l’écrit si justement notre poétesse !

 

« - Tu as beaucoup de livres chez toi ? me demande Noirphanion.

- Une vingtaine, pas plus, je me rends très souvent à la bibliothèque municipale, je garde peu de livres, à qui cèderai-je ma bibliothèque ?

- Tu peux en consulter ici si tu as besoin de références pour ton essai … c’est entre nous bien sûr !

- Je cherche toujours « Le vaurien » de Marcel Aymé et le volume 14 des hommes de bonne volonté de Jules romains.

- Je te fais cadeau de cette biographie de Chateaubriand, mais ces deux revues maçonniques, « la chaîne d’union »[8], je te les prête seulement, elles valent cher, je sais que tu en prendras grand soin… tiens !

- Merci beaucoup » 

 

Bien des lois de la république ont été étudiées en loge, par exemple l’enseignement primaire obligatoire, laïque et gratuit (28 mars 1882), le développement des caisses de retraite pour la vieillesse (20 juillet 1886), l’assistance judiciaire etc.[9]

Lorsque Faustin Aymé fut retraité de l’armée en 1909, il trouva une place de régisseur au château de Launay à Reugny, propriété du conseiller général V. Lefébure, et vénérable[10] de la loge maçonnique où il avait été admis.

Charles-Henri, mon arrière-grand-père, avait un frère aîné, Louis-Alfred, né le 27 mars 1851 à Tassenières, nous savons très peu de choses à son sujet, sinon qu’il a été employé aux contributions indirectes de Nancy, profession déclarée sur l’acte de décès de sa mère Marie Duvillay. Etait-il marié ? Où est-il décédé ? Il reste une énigme. Il faut bien laisser un peu de mystère pour ceux qui chercheront à leur tour plus tard !

Faustin épouse le 18 février 1886 à Villers-Robert Emma Monamy ; Charles-Henri, quant à lui, épouse le 18 février 1893 à Tassenières Marie-Philippine Poussot, sa cousine germaine. Et quand en 1904 Faustin entre au Grand Orient, mon arrière-grand-père est comptable à Besançon. Il a alors quatre enfants : Alphonsine et Henriette, René et Alfred, qui fréquenteront l’école catholique. Faustin Aymé quittera Reugny pour Ris-Orangis en 1940. Là, nous entrons dans une autre époque !

 



Les descendants de l'Honorable Jacques Gay et Demoiselle Etiennette Courcenet.

Gay Jacques, dit honorable, marchand laboureur à Tassenières

x  vers 1660

Courcenet Etiennette  b. 8 mars 1641 Dole

 

 


Gay Pierre                   Gay Philibert                      Gay Claude                       Gay Catherine

° vers 1662                  x                                        x 1 août 1691                    x 8 mai 1692

+ 13 avril 1733            Leculier Jeanne                  Millot Cl. Françoise           Curie Bonaventure

x 5 janvier 1683

Roussey Clauda

 

 


Gay Nicolas                 Gay Antoine                      Gay Antoine Joseph

° 30 nov. 1687            x 13 juin 1719                   x 21 janvier 1716  Tassenières

+ 8 mars 1761             Digonaux Rémye                Guérillot Antoinette

x 18 août 1711

Gallot Anatoille

 


Gay Nicolas 1724-1796  Tassenières                    Gay Philibert 1725-1761 Le Deschaux

 


Gay Bénigne 1757-1818 Tassenières                    Gay Nicolas 1756-1812 Le Deschaux      

 

 


Gay Pierre                   Monamy Pierre (1814-1837)         Gay Jean-Pierre

° 16 nov. 1789                    x 15 février 1836                   ° 16 octobre 1792 Le Deschaux,

+ 18 janvier 1856            Richard Marie-Jeanne               + 21 avril 1853

x 30 août 1814                                                                x 15 juillet 1813

Monamy Marie-Claudine                                                 Gateau Marie-Claudine

 

 

 


Gay Claude                 Monamy Auguste (1836-1908)                        Gay Anne

° 4 nov. 1820              x                                                                      °  6 octobre 1828

+ 23 juin 1892             Curie Marie-Françoise (1836-1910)                + 12 avril 1903

x 14 juin 1849                                                                                     x 25 nov. 1843

Duvillay Marie                                                                         Aymé Jean-François

 

 


Gay Charles-Henri                                                                    Aymé Faustin

° 29 septembre 1859                                                                  ° 29 avril 1859

+ 16 mai 1924                                                                           + 26 nov. 1947

 x 18 février 1893 Tassenières                                         x 18 février 1886 Villers-Robert

Poussot Marie-Philippine                                                            Monamy Emma (1863-1904)

 


Gay René                                                                                  Aymé Marcel

° 31 octobre 1897   + 28 avril 1972                                ° 29 mars 1902    + 14 octobre 1967

x 19 août 1922 Girardot Marcelle                        x 16 avril 1931 Arnaud Marie-Antoinette



L'ascendance d'Urbain Curie.

 

Duvillay Claude                                   Gay Nicolas

x                                                         ° 28 janvier 1724

Gay Anne                                            + 15 décembre 1796

laboureur à Tassenières

x 9 février 1745

Courcenet Pierrette ° 28 février 1728 Bretenières

 

 

 

 

 


Gay Claudine ° 1747                                                         Gay Bénigne 1757- 1818

+ 8 février 1802 Tassenières                                                                         x

x 29 janvier 1765                                                               Gabriel Pierrette

Duvillay Philibert ° 1732

+ 1er octobre 1804 Tassenières

(cultivateur)

 

 

 

 

 


Duvillay Joseph ° 25 mai 1789                                    Gay Pierre 1789-1856

+ 15 septembre 1859                                                                           x

cultivateur à Tassenières                                                          Monamy Marie-Claudine

x 27 novembre 1817

Colladant Claudine

 

 

 

 

 


Duvillay Marie             Duvillay François                            Gay Claude

° 7 septembre 1820                 ° 23 juillet 1832                              ° 4 novembre 1820

+ 25 septembre 1892              + 22 septembre 1918                     + 23 juin 1892

x 14 juin 1849                         x 21 février 1871                                    x

Gay Claude                              Monamy Marie                               Duvillay Marie

 

 

 

 


                                               Duvillet Marie

                                               ° 18 avril 1871

                                               + 3 juin 1917

                                               x 22 novembre 1888 Tassenières

Curie Urbain



Les descendants de Claude Courcenet et Clauda Pélissard.

 

Gay Jacques, dit honorable

x Courcenet Etiennette                                     Courcenet Claude 

                                    ° 20 juin 1637 Dole (frère d’Etiennette)

                                    Ep. Pélissard Clauda

 

Gay Pierre                   Gay Philibert, dit le Viel

 

 


Gay Nicolas                 Gay Antoine

x                                  x 13 juin 1719

Gallot Anatoille            Digonaux Rémye

 

 


                                                                                   Courcenet Dominique, dit le Vieux

                                                                                  x 15 juin 1695

                                                                                  Gissat Denise

 


Courcenet Nicolas, dit l’Aîné

x 10 janvier 1736 Tassenières

Gay Marie-Françoise (fille de Nicolas

et de Gallot Anatoille)

 


Gay Anatoille

° 13 septembre 1729 Tassenières

x 13 février 1759

Courcenet Dominique  ° 2 avril 1738

+ 12 février 1820 Tassenières

 

 


Courcenet Antoine          Courcenet Dominique, dit le Fils            Courcenet Jean Jacques

x                                     ° 3 octobre 1764 Tassenières                ° 19 février 1781 Tassenières

Gay Marguerite               + 5 février 1852 Chaussin (39)             + 28 avril 1867 Villers-les Bois

                                      x 23 avril 1798 Authumes (71)             x 12 juin 1822 Fagot Marie

                                      Guillot Claire (1766-1835)

 

 


Courcenet Fabrice                        Courcenet Marie-Claudine       Courcenet Xavière

° 2 mai 1799 Tassenières            ° 6 avril 1823 Villers-les-Bois        ° vers 1827 Villers-les-Bois

x en 1824                                   + 5 mai 1900 Bretenières                  + 4 mai 1849 Tassenières                    

Fébvre de La Praye                    x avant 1844                                                x

            Caroline                           Bertrand Pierre                                     Monamy Dominique

                                                   x 29 mai 1850 Bretenières

                                                   Gauthron Jean-François

 

                                                     Gauthron Adèle

                                         x 21 février 1878 Bretenières  Guyon Jean-François



Août 2003

Ma bibliothèque s’enrichit de nouveaux livres chaque jour, et ce depuis ma rencontre avec Noirphanion, certains ouvrages sont anciens, j’aime les sentir, les caresser avant de les lire. J’ai trouvé chez une amie « Histoire de l’Asie du Sud-Est » de Lê Thanh Khôi, une édition des Presses Universitaires de France, année 1959.

 

Arthur Aymé (1887-1913), le frère de Marcel, a été reçu au baccalauréat de philosophie à 16 ans, et en 1904 à celui de mathématiques. Après avoir passé avec succès le concours d’entrée à Saint-Cyr, il s’engage en 1907 dans le 4e régiment d’infanterie. Blond aux yeux bleus, il avait le visage ovale d’Emma et possédait sans doute quelques talents littéraires. Il était en effet titulaire d’un prix de dissertation et de version grecque et latine, il récitait souvent des poèmes. Michel Lecureur dans son livre consacré à Marcel Aymé écrit : « il fut tué au Tonkin, six ans plus tard »[11]. Une autre source dit qu’il est mort noyé dans la Sélanong. L’Annam étant sous protectorat français, des militaires y furent envoyés en raison d’une recrudescence des accrochages, des attentats[12]

 

Grand-père s’est marié à Salans (Jura) avec Marcelle Girardot le 19 août 1922, la ferme des Girardot qui étaient aussi viticulteurs se trouvait à la lisière de la forêt de Chaux. Avec une superficie de 22 000 hectares, la forêt, située immédiatement à l’est de Dole est le deuxième massif forestier français après la forêt d’Orléans. La forêt de Chaux s’élève à une altitude moyenne de 250 mètres. En plus des cerfs, des chevreuils et des sangliers, on a noté dans cette forêt la présence du sonneur à ventre jaune, un petit crapaud dont les couleurs jaune et noire du ventre sont splendides. Enfant j’ai eu la chance de le voir. Marcelle s’est très vite adaptée à la vie citadine. René était agent SNCF et natif de Besançon, il se rendait fréquemment à Fraisans pour rendre visite à son oncle Armand, ils allaient à la pêche. C’est ainsi qu’il rencontra sa future femme.

 

Je demandai à Noirphanion : « - Où en es-tu dans ton roman ?

- Je n’arrive à rien, comme tout le monde je suis incommodé par la canicule !

- 40° aujourd’hui ! Ta nouvelle ?

- Le matin j’essaie d’écrire. J’aimerais avoir le temps comme toi, ne penser qu’à l’écriture ! Et tu avances ?

- Je suis rentré chez moi en fin de matinée, après avoir passé quelques jours à la campagne, chez une amie ; oui, mon essai prend tournure.

Après avoir lu les dernières pages, il me fit la remarque :

- Il est peu question des œuvres de Marcel Aymé, c’est vrai que c’est l’histoire de ta famille.

- C’est juste, mais j’y viens. Mon grand-père étant contemporain de Marcel et Suzanne Aymé, il sera un peu plus question de leurs vécus !

Grand-père René était dans l’aviation militaire en 1917, il existe un portrait où il pose en uniforme devant un avion de l’époque, il porte la moustache comme son oncle Armand. C’est mon frère cadet qui a hérité de la photo encadrée, avec la salle à manger Henri II … Cette salle à manger, c’est toute une histoire !… et le sabre impérial de Claude Gay, donc ! Je regrette de n’avoir aucune photo, il m’aurait plu de mettre celle de René, ou du sabre, dans mes pages…

- Oui, ça aurait rendu encore plus vivant ton essai … »

 

René Gay a toujours été très discret sur ses états de service durant la Première Guerre Mondiale. Lorsque je lui posais des questions au sujet de son grand portrait, il me répondait vaguement : « Ce n’était pas facile quand on recevait des pruneaux ! » Il a fallu que je me rende aux archives départementales du Doubs pour avoir une copie de son dossier militaire. René a été soldat au 32e régiment d’aviation en 1917, puis au 2e régiment de bombardement, blessé de guerre, il sera rendu à la vie civile en 1919.

Marcel Aymé avait entrepris des études de mathématiques à Besançon, peut-être se sont-ils croisés dans une rue de la ville, ignorant l’un l’autre qu’ils étaient cousins. C’est en effet en 1919 que Marcel passe son bac. Sur les conseils de sa sœur Suzanne, Marcel Aymé publie en 1926 un premier roman « Brûlebois », trois ans plus tard il obtient le prix Renaudot pour « La Table-aux-Crevés ».

 

Je disais à Noirphanion que sur le plan historique je reste très pointilleux, vérifiant ce que je trouve comme informations sur le net en relisant divers ouvrages et compulsant mes copies d’actes certifiés conformes etc.

 

Mariés, mes grands-parents se rendaient à Fraisans chez l’oncle Armand, à Tassenières aussi, chez une tante ( ?), je ne me souviens pas avoir demandé à René ou Marcelle qui elle était ! Ils prenaient le train jusqu’à Mont-sous-Vaudrey, le village de Jules Grévy. « Et puis, en 1914, un jour d’août, je me rappelle, là en face, au bord de la route, les champs étaient tout en moisson, Hector est parti pour la guerre. Il n’avait pas voulu que je l’accompagne au train à Mont-sous-Vaudrey. » (Les chiens de notre vie[13]).

Armand Gay, dit l’oncle de Fraisans, était négociant, marié en 1884 à Marie Vaugier, il n’eut pas de postérité, de ce fait il éprouva un grand attachement à son neveu qui devint mon grand-père. Il décède le 25 janvier 1931, il a été placé dans le caveau familial auprès de son épouse, disparue plus tôt, et de ses parents Claude et Marie Gay.

« La jument verte » paraît en 1933.

Parmi les descendants du couple Jean-François Aymé / Anne Gay autres que Marcel, sa sœur Camille a écrit. Deuxième enfant de Faustin et d’Emma, elle épouse le 7 septembre 1921 à Dole Paul Muster. Enseignante, elle sera aussi auteur de nouvelles, Marcel se battra pour faire éditer ses manuscrits. « L’Abécédaire du jardinier » paraît à Palerme en 1929, d’autres nouvelles sont publiées dans diverses revues sous les pseudonymes de Germaine Marney, Laurence Duparc[14]. Camille avait un frère jumeau, Maurice décédé d’une méningite à l’âge de quatre mois. La seconde guerre mondiale éclate en septembre 1939, le général de Gaulle appelle à la résistance le 18 juin 1940 de Londres.

En 1940, Faustin Aymé transportait dans ses bagages, à 81 ans, au milieu des troupes d’occupation, ses biens les plus précieux, entre autres ses décors maçonniques, et ce au risque d’un contrôle et de se faire arrêter !

C’est à Besançon, au n° 9 de la rue de Pontarlier, dite la cour du 9, qu’habite la famille Gay ; les meubles de la salle à manger sont de style Henri II. Par crainte de l’occupant allemand et suite à l’appel de Londres, grand-mère retira les croix de Lorraine décorant les portes du grand buffet. Grand-père qui avait été modeleur avant d’être agent SNCF put masquer facilement l’emplacement des croix. Les armes étaient réquisitionnées, René enveloppa précieusement le sabre impérial de Claude, alla le cacher dans les WC turcs au fond de la cour, puis, sur la porte de l’appartement ils placardèrent la fonction qu’occupait alors grand-père « employé de la Société Nationale des Chemins de Fer ». Une bombe est tombée dans la cour du 9 sans faire de dégâts chez eux. Moralité : la bombe savait lire !

« Travelingue », le roman de Marcel Aymé, sort en librairie en 1941.

Mon père m’a raconté qu’un jour il croisa de jeunes résistants que les soldats allemands conduisaient à la Citadelle pour y être fusillés. A la libération, papa allait sur sa quinzième année. Le sabre impérial du maréchal des logis Gay retrouva sa place d’honneur dans le séjour. Ce sabre courbé est magnifique, je l’ai eu entre les mains alors qu’il était chez mon oncle Pierre, la poignée garnie d’un aigle protège le dessus de la main.

Camille Aymé-Muster enseigna en Alsace à Bischwiller, en Ardèche, puis se retira avec son mari à Saint-Raphaël, elle s’éteindra le 15 mai 1974.

 

Mes parents avaient fait construire à Salans dans les années 60, je fréquentais l’école du village, allais voir mon grand-oncle Paul Girardot, héritier de la ferme et du vignoble ; il était employé EDF, je crois … Oncle Paul me racontait qu’enfant il conduisait le cheval borgne dans les vignes, et qu’on appelait son père « Bourbaki » à cause de la guerre de 1870. 



Septembre 2003

A portée de la main, posé sur la table où j’écris, « Le serpent vert » de Goethe, un conte symbolique traduit et commenté par Oswald Wirth[15]. Ce livre est une réédition conforme à l’édition de 1935, Wirth était bibliothécaire et franc-maçon.

« - As-tu  ‘ Le marchand de Venise’ de Shakespeare ? demandai-je à Noirphanion en le remerciant encore pour l’ouvrage de Goethe.

- Oui ! Tu as ici deux exemplaires, le traducteur est le même !

- Je prends le Garnier-Flammarion, il y a une préface et une notice… Ma mère a joué dans cette pièce, elle était alors jeune fille. Elle a gardé précieusement dans un album une photo noir et blanc où on la voit interpréter un personnage, je voudrais connaître le déroulement de cette histoire. Il y a trois rôles féminins ! Je demanderai peut-être à ma mère si elle se rappelle celui qu’elle tenait !

- Elle a fait beaucoup de théâtre ?

- Je l’ignore! Il y a d’autres photos … est-ce la même pièce ?… »

 

Mes parents se sont mariés le 10 avril 1953 à Besançon, la cérémonie religieuse se déroula en la cathédrale Saint-Jean[16]. Henri, mon père, est le quatrième enfant de René et de Marcelle. Ma mère, Anne-Marie, est née le 22 août 1935, son nom de jeune fille : Becker. C’est place Bacchus à Besançon qu’elle a vu le jour – De la gare, on arrive rue Battant en traversant un square agréablement fleuri, à mi-hauteur de la rue se trouve la place Bacchus avec sa fontaine du même nom et de très belles maisons vigneronnes du 15e siècle. Au numéro 37 de la rue Battant, l’hôtel de Champagney construit en 1561 appartenait à Nicole Bonvalot[17], la veuve du ministre de Charles Quint, Nicolas de Granvelle[18][19].

La sœur aînée de mon père, Paulette Gay, est née à Besançon, cour du 9, le 23 décembre 1923.

 

Georges Aymé, le frère de l’illustre écrivain, décède le 25 janvier 1950 à Paris, à l’âge de 61 ans, il était général de corps d’armée, officier de la légion d’honneur. Il avait épousé une artiste peintre, Alix Hava. Le 23 juillet 1944 il fut promu commandant supérieur des troupes en Indochine ; il était déjà présent à Hanoï de 1921 à 1926. Dans la fratrie de Marcel Aymé se trouve Suzanne qui partagea son enfance à Villers-Robert. Une photo d’elle nous révèle qu’elle était une très belle adolescente. Suzanne est née avec le siècle à Joigny, le 21 février 1900. Elle a été professeur de lettres classiques et c’est à la mairie du 8e arrondissement qu’elle s’unit à Edouard Muller en 1928. Ils auront trois enfants : Jean-Louis, puis des jumelles, Marie-Louise et Marie-Hélène.

Faustin Aymé s’éteint le 26 novembre 1947 dans une maison de retraités à Ris-Orangis.

 

Je suis né le 5 septembre 1954 à Besançon, à 8h.10 le matin, un dimanche, clinique de la mouillère. Cette année-là, Marcel Aymé adapte la pièce d’Arthur Miller « Les sorcières de Salem ».

Tante Paulette entre au couvent à l’âge de 21 ans, le 25 mars 1944, chez les Sœurs de la Charité de Besançon.

 

En 1960, Anne Guérin dit à Marcel Aymé lors d’un entretien publié dans le journal l’Express « - On vous traite d’anarchiste de droite ! » Il répondit : « - Ah oui ! je suis de droite ? on le dit. Je ne sais pas pourquoi. (Non ce n’est pas bien de dire ça.) Anarchiste ? aucun système politique ne me satisfait. Mais, à ce compte-là, qui n’est pas anarchiste ? hein ? »[20]

 

Le réalisateur Jean Boyer adapte au cinéma la nouvelle « Le Passe-muraille » en 1950, avec pour interprètes Bourvil, Raymond Souplex et Marcelle Arnold. Il y eut aussi une adaptation de « La jument verte » par Claude Autant-Lara en 1959. A la même époque, Marcel Aymé a aussi composé des chansons mises en musique par Guy Béart. Une très longue amitié[21] le lia à Louis-Ferdinand Céline[22].

 

Dans le chapitre deux je disais donc que mes parents avaient fait construire à Salans et qu’il m’arrivait de rendre visite à mon grand-oncle Paul. En sortant de la ferme des Girardot on trouvait à main gauche le haut du village, à main droite Fraisans. La route départementale séparait l’habitation de la forêt de Chaux, je n’avais qu’à traverser, suivre ensuite un sentier en évitant les gouillats[23], je ramassais des champignons. Ma grand-tante les faisait sécher sur un fil dans la cuisine après les avoir nettoyés.

«  - La maison en ruine dans la forêt, c’est à qui ?

- C’est la maison de la folle » me répond ma grand-tante. Il ne restait que les quatre pans de murs, les branches des arbres remplaçaient la toiture, j’aimais ces pierres comme si elles m’avaient appartenu. Les feuillages luisaient et murmuraient dans chaque pli de mon âme d’enfant. La Vouivre peut-être m’épiait ! Ai-je même senti son souffle derrière moi ? Elle qui a dans le regard l’image des premiers habitants du Jura…

«  - C’est la folle qui a mis le feu à sa propre maison ! » poursuit grand-tante.

 

Souvent mes parents m’envoyaient passer quelques jours au moment des vacances scolaires chez mes grands-parents maternels, Lucie Becker, ma bisaïeule, était encore de ce monde, veuve de la Grande Guerre, elle demeurait sous leur toit. Je dormais dans sa chambre, et dans le même lit, elle me chantait une chanson de Guy Béart pour m’endormir, en modifiant quelques paroles … La nuit j’étais réveillé par les noix qui roulaient avec grand bruit sur le plancher, les souris essayaient de les voler … c’est ce que me racontait Lucie ; sur le sol, déposées sur des journaux, il y avait des pommes, des noix… les coings, eux, avaient leur place sur les draps dans la grande armoire. Lucie, née Ferrand, repose dans le caveau des Becker à Routelle dans le Doubs, elle était native de Fontenoy-lez-Montbozon, village de Haute-Saône.

On appelait son frère « Mounet », il habitait Fontenoy, nous lui avions rendu visite, j’étais très jeune. Ce qui m’a marqué : sa literie … de la paille sur une planche presque encastrée dans le mur de pierre, et une simple couverture … je me souviens avoir fait la réflexion à ma mère : « - tu as vu son lit, c’est de la paille ! »

Tante Paulette Gay, de son nom de religieuse sœur René-Marcel, est en mission au Moyen-Orient, elle passera à Damas sept années pleines de bons souvenirs, vivant dans le quartier de Saint-Paul et Ananie, lieu de chrétienté et très touristique. Tante sœur, comme nous l’appelons dans la famille, ne venait à cette époque en France que deux mois, et ce une fois tous les cinq ans. Elle est alors enseignante. A Baabdath elle s’occupera d’une institution durant treize ans, avec un internat impressionnant de 165 lits. Comme son frère Henri, elle sera responsable d’un groupe scout, selon son témoignage le scoutisme a donné des fruits magnifiques de formation[24].

 

Salans, autant qu’il m’en souvienne, était un village paisible, été comme hiver. Notre institutrice avait un chien baptisé Pompidou[25], premier ministre de la classe. Nous lisions, chacun à haute voix « Delphine et Marinette ».

« - Je suis de votre avis, dit le chien, ce n’est pas un problème facile. Et d’abord, qu’est-ce que c’est qu’un hectare ? » (Le problème[26])

Les Coincenot, deux camarades de classe, venaient à ma rencontre pour faire le trajet de l’école, ils étaient frère et sœur. Nous prenions le chemin de la Creuse, quelquefois nous rebroussions chemin et faisions un détour quand nous croisions une couleuvre ; le chemin en était infesté.

Si l’oncle Paul a hérité de la ferme et des vignes, grand-mère Marcelle a reçu les prés, elle les louait à la famille Coincenot.

Mon père travaille alors au centre hospitalier de Besançon, il est agent au service technique, il est aussi délégué syndical. Il consacre la plupart de ses congés au scoutisme, tout d’abord les scouts de France…

 

François Aymé, le fils du général, est publicitaire. Marie-Hélène Muller, quant à elle, épouse à Neuilly-sur-Seine en 1937 Jacques Sennepin, sa sœur jumelle Marie-Louise exerce la profession de géotechnicienne. Marcel Aymé qui était un grand admirateur de Georges Simenon lui préfaça « Le chien jaune ». J’ai cette enquête du commissaire Maigret dans ma bibliothèque, et donc ladite préface. Le 14 octobre 1967 Marcel décède à Paris. Malgré les réticences des autorités ecclésiastiques il y eut une cérémonie religieuse en l’église Saint-Pierre de Montmartre. Jean Anouilh écrit dans l’Aurore : « Il a retrouvé La Fontaine. » On raconte qu’à la sortie du cimetière Saint-Vincent, après l’inhumation le 18 octobre, des témoins auraient vu des enfants quitter l’école en hurlant et un petit aurait crié « chat perché » (Michel Lecureur).

 

Je suis en relation épistolaire avec trois cousins passionnés comme moi de généalogie, cet essai ne serait pas sans eux.

Nous descendons tous les trois de Jacques Gay. Comme je l’ai déjà noté, moi-même je suis issu de la branche aînée, celle du couple Pierre Gay / Clauda Roussey. Monsieur D. Robert-Guyon descend à la fois de Pierre et de son frère Philibert dit le Viel, et ce, en raison de trois croisements avec les Courcenet (voir ci-dessus). Le descendant d’Urbain Curie, Patrick, m’est apparenté par les Duvillay, et nous avons comme ancêtre commun, autre que Jacques, le couple Claudine Gay / Philibert Duvillay – c’est par Internet que j’ai pu contacter monsieur Keller, car il avait réussi à remonter la branche de la grand-mère de Marcel Aymé jusqu’au couple Claude Gay / Clauda-Françoise Millot, mais il lui manquait la date de mariage de ces derniers. Je la lui ai donc communiquée, y ajoutant des informations supplémentaires sur les parents de Claude, « notre honorable » Jacques Gay et demoiselle Etiennette Courcenet. C’est grâce à lui que j’ai découvert ma parenté avec la famille Aymé.



Les sœurs de la Charité de Besançon ont un site Internet, tante Paulette y figure : nom, prénom, l’année de naissance et la date d’admission au couvent, ainsi que son nom en religion. Jeanne-Antide Thouret (1765-1826) est la fondatrice des Sœurs de la Charité de Besançon, c’est lors du décret impérial de 1807 que la Supérieure générale des sœurs de la Charité de Paris posa la question : quel nom donner aux Filles de la mère Thouret ; celle-ci accepta la dénomination de Sœurs de la Charité de Besançon pour la congrégation, indépendante de celle de Paris. C’est justement à Paris en 1787 que Jeanne-Antide fait son noviciat chez les sœurs de la Charité. Chassée par la Révolution, elle revient à pied à Besançon où elle sera persécutée pour avoir donné l’éducation aux enfants ; elle se réfugie en Suisse jusqu’en 1797. Elle fonde dès son retour à Besançon l’établissement de la rue Battant qui comprenait une école gratuite, une pharmacie et une soupe populaire.

Pendant ces temps troublés, Bénigne Gay (1757-1818) est cultivateur à Tassenières, il se marie le 14 novembre 1785 avec Pierrette Gabriel. Philibert Gay est né le 24 mars 1725 à Tassenières, issu de la troisième branche, il épouse à Villers-Robert le 25 novembre 1750 Anne Aymé. Il travaillera la terre au Deschaux où il décédera le 10 mai 1761. C’est son fils Nicolas (1756-1812) qui donne de nombreux rameaux sur cette commune, marié le 27 février 1786 à Villers-Robert, avec Catherine Guillemin … il sera un des aïeux de Marcel Aymé (voir ci-dessus). Parmi les ascendants directs d’Emma, Matthieu Monamy est cultivateur, recteur d’école à Tassenières, c’est le 23 septembre 1783 à Pleure (Jura) qu’il s’unit à Claudine Girarde, cette dernière, originaire de Sergenon, décède à l’âge de 52 ans en 1805.

 

Tante Paulette poursuit la mission que s’était donnée Jeanne-Antide Thouret, elle dit avoir passé ses meilleures années à Beyrouth, avec un mélange d’élèves chrétiennes et musulmanes, les relations étaient splendides entre elles[27]. Suivront dix-neuf années de Supériorat, Baabdath, Beskinta, un pays de montagnes, Beyrouth.

Sœur Jeanne-Antide Thouret fut canonisée le 14 janvier 1934.

 

C’est en 1948 que mon père devient Scout de France, il a alors 17 ans ½. En 1977 il quitte le mouvement pour les Scouts Unitaires de France, une association catholique de scoutisme, fidèle à l’Eglise. L’association des SUF est née officiellement le 26 avril 1971. Comme je l’ai fait pour les Sœurs de la Charité, j’ai aussi consulté le site Internet des Scouts Unitaires dont il ne reste qu’un seul groupe d’éclaireurs en Comté, à Luxeuil-les-Bains.

Tante Paulette a toujours été cheftaine de groupe, une exception, car normalement une religieuse ne devrait pas l’être. L’aumônier général comme la commissaire l’ont jugé bon, n’ayant pas de laïque à lui donner dans les endroits où elle se trouvait. Au fil du temps le groupe de Beyrouth a été interconfessionnel avec d’abord une cheftaine chrétienne ensuite une musulmane. Le mouvement est libanais et n’a rien à voir avec le scoutisme français. Au Liban, la première maison des sœurs de la Charité de Besançon a été fondée le 30 mai 1904, suite à la séparation de l’Eglise et de l’Etat en France. Les deux religieuses qui y furent envoyées ont été mises sous la protection des Pères Capucins. Puis les maisons se sont ouvertes petit à petit. La première à Beskinta en haute montagne ; c’est là que les Sœurs fêteront en 2004 le centenaire auquel ma tante est impatiente d’aller.

Deux anecdotes que m’a racontées tante sœur sur les Guides :

« Grande promenade en haute montagne, l’intendante oublie de nous mettre le pain, or au Liban, il est fait de façon qu’il peut remplacer une assiette ou bien nous aider à manger par bouchées. Naturellement à 1500 m. d’altitude, pas de boutique. Menu difficile à capter avec ses doigts … Il fallait voir le spectacle, pas d’arbre avec des feuilles qui auraient pu faire un bon emploi … du sable … de grosses pierres. »

« Pardon cheftaine, je n’ai apporté que des journaux arabes, est-ce que je pourrai nettoyer les verres de lanternes avec ? »

« - Alors ! Tu as passé un bon week-end chez ton amie ? me demande Noirphanion.

- Excellent, beaucoup de travail sur Internet, mise au net du chapitre trois …

- Même dimanche ?

- L’après-midi j’ai écouté avec grand plaisir sur Radio-Classique une des cantates maçonniques de Mozart ! Sublime !!

Ah ! Je voulais te dire que Marcel Aymé a écrit un article dans le journal « Le libertaire », au sujet de Céline !

- Ça vaudrait le coup de le trouver ! Peut-être par le Net ?

- Un monsieur Lemaître a lancé une enquête « Que pensez-vous du procès Céline ? », il s’est adressé à de nombreux écrivains et éditeurs, les réponses furent publiées dans les numéros du 13, 20 et 27 janvier 1950 dans « Le libertaire » … attend, j’ai noté le texte de Marcel Aymé, je te le lis : Ses ennemis auront beau mettre en jeu contre lui toutes les ressources d’une haine ingénieuse, Louis-Ferdinand Céline n’en est pas moins le plus grand écrivain français actuel et peut-être le plus grand lyrique que nous ayons jamais eu. C’est dans une biographie de Céline[28]. »

 

Grand-père René disparaît le 28 avril 1972 à Besançon, selon ses dernières volontés, il a été inhumé dans un cimetière d’où l’on peut voir passer les trains. Dans la dimension où il se trouve, quand le train passe, il sort sûrement sa montre gousset, regarde l’heure, hausse les épaules « -Ah ! Une minute d’avance … ». Même si nous souffrons ici-bas des grèves, dans son espace-temps, le train circule vraisemblablement. Marcelle le rejoindra dans sa 96e année. Le brave « Bourbaki » son père l’a certainement accueillie et lui montra son nouveau vignoble, en compagnie de Brûlebois[29] !

Il est vrai qu’à Salans, à la ferme, au fil du temps, un immense champ de pommes de terre a remplacé les beaux pieds de vigne… je crois même qu’aujourd’hui une maison se dresse sur cet emplacement.

Suzanne Aymé-Muller décède le 15 novembre 1984 à Dole.

 

 


 

Fin de la première partie

 


 

Deuxième partie

 




[1] Michel Lecureur « Marcel Aymé » édition La manufacture 1988.

[2] Aymé Faustin

[3] Jules Romains « A la recherche d’une Eglise » Les Hommes de Bonne Volonté T.7 Flammarion.

[4] Louis XV (1710-1774) fut déclaré majeur en 1723. La rémission de Philibert fut donc accordée du temps de la Régence de Philippe d’Orléans.

[5] Renée Rivet « Leur encre était violette » édition Librairie Bleue 1995.

[6] Elisée Reclus (1830-1905) géographe français, auteur d’une géographie universelle. Anarchiste, membre de la loge maçonnique La Renaissance.

[7] Marie-Claudine Gay, née Monamy (1788-1855) Tassenières, épouse de Pierre Gay, propriétaire.

[8] « La chaîne d’union » revue d’information maçonnique, n° 1 octobre 1954/1955.

[9] Alain Bauer « Le Grand Orient de France » édition « Que sais-je » année 2002 page 101.

[10] Vénérable : Premier officier de la loge, dont il préside les travaux.

[11] Michel Lecureur « Marcel Aymé » p.19 (op.cit.)

[12] Michel Germain « L’Indochine autrefois » éd. Horvath 1990.

[13]  « Les chiens de notre vie » dans « Enjambées », contes de Marcel Aymé, Folio-Gallimard n° 3449, éd. année 2000

[14] Camille Aymé-Muster « Le plateau d’argent » année 1930, nouvelle. Cahier Marcel Aymé n° 21, année 2003, édition SAMA

 

[15] Jean André Faucher « Dictionnaire maçonnique » édition Picollec, année 1981, 344 pages

[16]  

[17]  Nicole de Bonvalot fut le modèle de cette fontaine.

[18] Nicolas de Granvelle : ministre de Charles Quint, né à Ornans en 1486 et décédé à Augsbourg en 1550, conseiller au parlement de Dole en 1518.

[19] La France : La Franche-Comté page 281-305, Guides bleus, Hachette tourisme 2002.

[20] Cahier Marcel Aymé n° 21 page 150 (op.cit.).

[21] Au sujet de l’amitié de Marcel Aymé – Louis-Ferdinand Céline, lire « Le flâneur de la rive gauche » Entretiens Antoine Blondin / Pierre Assouline, éditions François Bourin 1988,

Page 88 Blondin: « - Tous les dimanches, j’allais voir Céline avec Marcel Aymé … »

Page 102 Blondin au sujet de Marcel Aymé : «  - Je l’adorais. C’était quelqu’un, ou de très fier, ou de très timide. En fait Marcel Aymé parlait peu, mais il écoutait tout … A sa mort, j’étais son meilleur ami. »

Page 103 « Il aimait l’Homme. Aymé était profondément humain »

C’est une série d’entretiens avec Antoine Blondin, diffusée sur France-culture du 14 au 18 mars 1988 qui est à l’origine du livre « Le flâneur de la rive gauche ». (Ouvrage prêté gracieusement par Noirphanion.)

 

[22] Céline (Louis-Ferdinand), écrivain (1894-1961), auteur entre autres du Voyage au bout de la nuit. Le 1er juillet 1961 Marcel Aymé veille toute la nuit la dépouille de son ami à Meudon.

[23] Gouillats : creux d’eau en Comtois.

[24] Lettre de sœur René-Marcel, datée du 21 août 2003, de Besançon (témoignage)

[25] Georges Pompidou (1911-1974) Premier ministre du général de Gaulle à compter du 14 avril 1962 puis Président de la République du 15 juin 1969 à sa mort.

[26] Marcel Aymé « Les contes du chat perché » (Le problème) page 127, Folio n° 343.

[27] Lettre de sœur René-Marcel datée du 30 août 2003.

[28] Frédéric Vitoux « La vie de Céline » page 506, édition Bernard Grasset Paris 1988.

[29] Marcel Aymé « Brûlebois », roman, édition Gallimard.