Cette femme du XIXe siècle a eu une vie hors norme, marquée par la haine et l’opprobre, mais aussi par l’adoration et même la formation d'un culte à sa personne. Cent ans après sa mort, son souvenir est toujours vivant, et un pèlerinage (non officiel) s’est organisé.
Ces pages tentent de faire le point sur sa vie, son œuvre, et
son souvenir en s’appuyant sur le travail de
François Pageaut (1867-1947)
qui
recueillit des témoignages d’époque
sous la forme de 130 courriers adressés à Melle
Sauvestre par ses visiteurs entre janvier 1874 et
février 1901.
Ces
lettres sont une fenêtre sur ce que furent Melle Sauvestre,
ses visiteurs, ses pratiques, l'église, les gens et leur vie dans
la
France de la fin du XIXe siècle.
La vie de Françoise Sauvestre : |
L'avis des contemporains : |
Françoise Sauvestre Aujourd'hui : |
Elle naquit le 15 août 1818 à Fauverney.
La famille de neuf enfants (dont
elle était l'aîné) était pauvre.
A l'âge de 2 ans, Françoise eut la rougeole. Plongée dans des bains froids (à
la verveine) sans précaution, elle fit ce que l'on appelait une "rougeole rentrée"
et fut frappée d'une paralysie "incurable" des membres.
Elle ne se déplaça plus dés lors que dans une caisse.
A l'âge de 5 ans, on la
portait au bord de la grand-route, à l’entrée de Fauverney, pour mendier.
Le père,
mineur, abandonne finalement la famille qui plonge au fond de la misère.
La famille vivra
en s’employant à la journée pour les travaux agricoles.
Encore jeune, sa mère l'emmena jusqu'à Ars dans l'espoir d'une guérison miraculeuse. Le curé donna à l'enfant le choix entre retrouver l'usage de ses bras ou de ses jambes. Elle choisit les bras, pour pouvoir travailler.
Elle entretint une correspondance de 30 ans entre 1830 et 1859 avec le curé d'Ars et fit 17 fois le pèlerinage.
En 1860, elle prédit la guerre avec l'Allemagne.
Peu à peu, son aura grandit parmi les villageois d'alentour. Du statut d'indigente, elle passe à celui de sage, puis d'intercesseuse et enfin de guérisseuse (néologisons).
Chaque visiteur rencontrait Mademoiselle Sauvestre dans sa chapelle pour
un entretien particulier fait surtout d'écoute
et de compassion.
Elle préconisait alors une solution à base de prières, de
foi, de frictions à l'huile sainte
(bénie par le curé d'Ars), de tisanes de violette et autres fleurs.
La
demoiselle insistait pour avoir des nouvelles par écrit de ses visiteurs, dans
un délai de 6 semaines, ce qui explique la profusion de lettres. Elle maintenait ainsi le contact (et le contrôle) sur ses miraculés
et matérialisait leur implication. Il est probable que cette méthode est
apparue après son procès, pour l'armer contre les calomnies dont elle avait
certainement eu a souffrir. En effet, les lettres commencent seulement en 1875,
ce qui n'est sans doute pas du à quelque lacune.
Elle ne
demandait rien en échange, mais acceptait les nombreux dons en argent, en denrées,
et en ex-voto. Elle assurait ses donateurs que leurs bienfaits seraient
redistribués aux nécessiteux.
Les visiteurs étaient marqués par ses prédictions sous
forme d'aphorisme comme : "Je fais beaucoup de mon vivant, je ferai davantage après ma mort."
ou "Ca mettra du temps, mais je serai reconnue par l'église.".
F. Sauvestre est royaliste!
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F. Sauvestre parle volontiers par citation de son seigneur. |
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F. Sauvestre à propos du comportement du clergé lors de la séparation de l'église et de l'état. |
Elle mourut dans son petit lit à baldaquin le 22 avril 1906. |
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Poème rédigé par M Pageaut |
Chaque jour, sauf le dimanche, une moyenne estimée à 20 personnes venaient rendre
visite à la "chère demoiselle". Un majorité venait pour des problèmes médicaux,
mais il y avait aussi des demandes de conseils matrimoniaux, commerciaux, patrimoniaux,
de choix de vie ...
Elle était réputée pour la force et l'efficacité de ses
prières, la capacité de guérison de son huile, mais aussi sa sagesse et son
don de divination.
Les sujets des lettres retrouvées chez elles témoignent
de la diversité des demandes : Depuis le très classique "La médecine ne pouvait plus rien pour moi"
à "Vous avez guéri mon cheval".
Les lettres la désignent comme Chère demoiselle, bienfaitrice ...
Enfin, plus de 6 000 lettres datant de 1875 à 1885, adressées à la demoiselle étaient réunie dans une armoire.
Les miracles :
Dans un article de la "Vie mystérieuse" du 10 décembre 1910, M Alfred Martezé revient sur le cliché ci-contre. Il indique que l'on y distingue, dans le 5eme intervalle de la grille de gauche le visage "décharné d'une très vieille femme", évoquant "exactement" le visage de la morte. L'opérateur à l'origine de la photo assure que ce "résultat n'est du à aucune retouche".
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Ce premier miracle explique pourquoi F. Sauvestre est restée paralysée. |
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Selon M Pageaut |
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Sa dépouille apparaît incorruptible, même dans la mort, ce qui est commun aux saints. Ce miracle est même attesté par (un homme de) la science. |
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Elle annonce sa propre mort |
1906, année de la mort de Melle Sauvestre, est aussi celle de la séparation
de l'église et de l'état. Pour certains croyants, il s'agit là d'une attaque
satanique.
Le bas clergé fut le plus féroce ennemi de Melle Sauvestre.
Exemple
D'une façon générale, l'église rejette Melle
Sauvestre et le culte qui s'organise autour de sa personne et après sa mort.
Les lettres de M Pageaut, sont toutes restées sans effet,
et le plus souvent sans réponse. Elles montrent assez la façon dont le bas
clergé l'a combattue tandis que les hautes autorités l'ignoraient. Ce combat
durera même après la mort de Melle Sauvestre comme le montre cette lettre au
curé de St Aubin.
Sainte Philomène, Vierge et Martyre, n'est plus en odeur de sainteté depuis
un décret de 1961 de la Sacrée Congrégation
des Rites. Ce texte souligne qu'il n'y a pas trace d'une déclaration officielle de
sa sainteté de la part de l'Eglise. Sainte Philomène serait donc sainte par vox
populi.
La sépulture de la sainte fut découverte dans la
catacombe de Priscillia à Rome le 25 mai 1802. Elle portait l'inscription en
latin LA PAIX SOIT AVEC TOI, O PHILOMÈNE!
accompagnée d'un lys (virginité) et d'une palme (martyre) d'une
ancre, d'un fouet et de trois flèches (symbolisant les supplices endurés).
Elle contenait le corps d'une demoiselle de 13 à 15 ans et une petite fiole de sang (placée
par les chrétiens de Rome auprès des
restes de leurs martyrs).
Le 10 août 1805, le curé Don Francesco di Lucia fit transporter les reliques
et le corps à Mugnano del Cardinale, près de Naples. De nombreux prodiges et des miracles se
produisirent dans ce lieu de pèlerinage.
En 1835, Pauline Marie Jaricot,
miraculeusement guérie rapporta à Lyon une
relique de Sainte Philomène et l'installa dans sa chapelle de
Fourvière.
C'est elle qui fera connaître la sainte au curé d'Ars.
Le saint curé d'Ars marquera la première moitié du XIX siècle. Il attirera des foules sans nombre (+ de 100 000 par ans) dans la campagne lyonnaise. Sa figure apparaît comme un effet rebond après les excès de la révolution française. Symbole de la permanence de l'église catholique face à la tourmente française, il deviendra le patron des prêtres. Pour en savoir plus.
La petite chapelle où Françoise Sauvestre recevait. Une grande statue de sainte Philomène est couchée dans une châsse du même modèle que celle du curé d'Ars dont le portrait domine. |
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1906 |
2006 |
Le XIXe siècle
sera marqué par de très importants progrès en médecine, avec Pasteur comme chef
de file, mais ces bienfaits ne parviendront jusqu'au peuple qu'après la grande
guerre.
Pour l'heure, les médecins se déclarent généralement impuissants et
les maladies non invalidantes ne sont tout simplement pas soignées, faute d'argent.
A
cet égard, le cas de Françoise Sauvestre est exemplaire. La "rougeole rentrée" paralysante
évoquée brièvement
dans par la comtesse de Ségur dans sa "Santé
des Enfants" a aujourd'hui complètement disparu.
C'est en 1985 qu'est créée l'association des Amis de Mlle Françoise Sauvestre (Mme Gruyer, 3 rue du Bas de Velle, 21110 Magny-sur-Tille). Elle reçoit alors en lègue la demeure et la tombe (ornée de vitraux) de la demoiselle avec pour mission de préserver et entretenir les lieux. Pour les 100 ans de sa mort, elle souhaite constituer un dossier de demande de béatification.
Chaque année, des pèlerins sont reçus le jour de l'anniversaire de sa mort.De nos jours, les visiteurs viennent rendre hommage à la bonne demoiselle, s'imprégner de l'ambiance de sa demeure, prier dans la chapelle ou sur sa tombe où ils déposent des cierges, des fleurs, des plaques, et des objets personnels.
Sa demeure est restée en l'état: meubles, linges, ustensiles de cuisine et objets personnels.