J’ai l’occasion aussi d’échanger quantité de commentaires avec l’amie qui me tape mon texte.

 

« - Peux-tu m’expliquer, Colette, ce qu’était un recteur d’école au 18e siècle, car Matthieu Monamy occupait cette fonction tout en étant cultivateur… ?

- Il me semble que c’était tout simplement un directeur d’école primaire, les instituteurs avaient parfois deux métiers, et dépendaient de l’évêché, c’est du moins ce que me racontait mon père à propos d’un de ses ancêtres instituteur sous Louis-Philippe, mais il faudrait que je vérifie tout ça.

- Vu le temps que tu me consacres en tant que secrétaire, je te devrai bien un exemplaire dédicacé de cet essai !

- Nous avons encore du travail ! L’aventure de l’oncle Alfred, l’attitude de ta grand-mère Gay en 68 face à Cohn-Bendit … même trouver les parents de Jacques l’ancêtre !

- J’ai des informations sur Louis-Claudius Emmanuel Courcenet, l’auteur de l’essai, il est né à Lons-le-Saunier le 7 novembre 1855, il s’est marié à Lyon en août 1883 avec Camille Ditty…

Son essai sur les Courcenet a paru en 1913, je te l’ai dit, mais il reste introuvable pour l’instant … c’est vrai que j’aimerais en savoir plus sur lui !!

- Tu n’as reçu aucun e-mail de tes cousins … As-tu des nouvelles par la poste ?

- J’ai appris que Jacques Sennepin est le nouveau président de la Société des Amis de Marcel Aymé[1], succédant à Michel Lécureur, le fondateur, qui y a consacré vingt ans de sa vie, dépensé beaucoup d’énergie pour faire connaître l’homme Marcel Aymé ainsi que ses œuvres, et qui en est maintenant le président d’honneur. Monsieur Jacques Sennepin est le mari de Marie-Hélène Muller, la fille de Suzanne…

- Oui, tu me l’as dit ! Suzanne, la sœur de Marcel, celle que tu as trouvée si jolie sur la photo. Et Jacques et Marie-Hélène ont hérité de la Tuilerie à Villers-Robert ! Tu leur as d’ailleurs envoyé une généalogie. »

 

Lors du décès de grand-père René, j’étais en apprentissage dans un atelier de reliure d’art, à Besançon, au 87 Grande Rue. Lors de la visite de tante sœur à grand-père hospitalisé, à l’infirmière qui lui dit : « vous avez le bon Dieu avec vous », il montre le crucifix en répondant : « non, il est là ».

Grâce à l’appui de mon père, je fus embauché plus tard (le 29 janvier 1974) à l’hôpital de Besançon, comme agent de service intérieur. C’est l’année de mon premier voyage à Tassenières et au Deschaux. Lorsque Suzanne Aymé-Muller s’éteint en novembre 1984 à Dole, je demeure rue Cardinet à Paris, je suis alors agent de service au centre hospitalier de la Croix Rouge, dans le 16e arrondissement, c’est pendant ce séjour parisien que je suis allé visiter Montmartre et le cimetière Saint-Vincent. Il a été reconnu au cours de mon activité professionnelle que je suis quelqu’un de dévoué, conciliant et patient, possédant une grande capacité d’écoute et de compréhension, un contact très franc. J’ai travaillé comme agent de service hospitalier, ensuite en tant qu’aide-soignant. Je suis l’aîné de cinq enfants, quatre garçons et une fille, Patricia, qui a vu le  jour le 28 septembre 1970 à Besançon. Ma jeune sœur s’est mariée le 15 juin 1991 à Ornans, avec Eric Belpoix, à ce jour ils vivent à Montgesoye, ils ont deux enfants, Marie-Cécile et Tristan.

 

Dernièrement, mon frère Pascal a séjourné quelques semaines en Palestine, dans une colonie juive, sur la bande de Gaza, près de la frontière égyptienne…L’état d’Israël fondé en 1947 est formé des ¾ de l’ancienne Palestine. Un régime d’autonomie palestinienne a été établi en 1995, mis en place à Gaza, puis étendu aux principales villes de Cisjordanie, à l’exception des colonies juives.[2]

Le 25 juin 1982 à Ornans, Pascal épouse Sophie Rain ; il n’y eut qu’un mariage civil. Ils ont tenu une quincaillerie à Besançon, rue Battant, furent ensuite propriétaires d’un hôtel-restaurant en Haute-Saône, à ce jour vendu … Sophie, par son père, est d’ascendance juive, celui-ci avait accroché dans son bureau le portrait de sa mère, je fus frappé par l’extraordinaire ressemblance entre Sophie et sa grand-mère ; monsieur Rain avait aussi suspendu au mur le drapeau israélien et gardait dans un des tiroirs de son bureau un peu de terre d’Israël… La mère de Sophie est catholique.

Colette me disait voici peu que j’étais la mémoire de la famille, oui mais surtout pour les générations futures, et voilà pourquoi je rédige cet essai. Je tiens à leur présenter le docteur en droit Philibert Courcenet, Marcel Aymé, tante Paulette … et ce regard d’enfant lorsque je vis le sonneur à ventre jaune.

Pascal et Sophie ont trois enfants, l’aîné Jean-François, né le 31 août 1983 à Besançon est actuellement en deuxième année de faculté d’histoire, Pierre-Olivier est lycéen, Marie-Charlotte, âgée de 11 ans, est en sixième dans un établissement privé de la région parisienne.

 

- As-tu pu avoir les précisions dont tu avais besoin ?

- Oui, j’ai téléphoné à ma sœur pour lui souhaiter un joyeux anniversaire, mes parents étaient chez elle, invités pour l’occasion ; j’ai parlé avec maman, la pièce où elle a joué c’est « Le luthier de Crémone » et non celle de Shakespeare, c’était dans les années 50, maman m’a dit que j’étais encore très petit et que grand-mère Marcelle me gardait. La représentation était donnée au profit des Scouts de France. « Le luthier était bossu, je m’en rappelle bien » ajouta maman. »

 

J’ai sous les yeux une copie conforme au registre de Tassenières, l’acte de mariage Claude Poussot / Marie Gay, beaux-parents de mon bisaïeul Charles-Henri. Il a été noté dans la première partie que mes arrière-grands-parents étaient cousins germains ; pour preuve

 

1 Gay René ° 31.10.1897 / + 28.04.1972 Besançon

 

2 Gay Charles-Henri ° 29.09.1859 Maîche / + 16.05.1924 Besançon

x le 18.02.1893 Tassenières

3 Poussot Marie-Philippine ° 1.03.1862 Tassenières / + 30.11.1939 Besançon

 

4 Gay Claude ° 4.11.1820 Tassenières / + 23.06.1892 Fraisans

x le 14.06.1849 Tassenières

5 Duvillay Marie ° 7.09.1820 Tassenières / + 25.09.1892 Fraisans

 

6 Poussot Claude ° 18.03.1830 Le Deschaux (cultivateur)

x le 18.01.1853 Tassenières[3]

7 Gay Marie ° 6.12.1827 / + 20.07.1903 Tassenières

 

8 Gay Pierre ° 16.11.1789 / + 18.01.1856 propriétaire à Tassenières

x le 30.08.1814 Tassenières

9 Monamy Marie-Claudine dite Jeanne ° 2.02.1788 / + 1.02.1855

 

10 Duvillay Joseph ° 25.05.1789/+ 15.09.1859 Tassenières (cultivateur)

x le 27.11.1817 Tassenières

11 Colladant Claudine

 

12 Poussot Claude ° 1797 Le Deschaux

x

13 Sussot Jeanne-Françoise + 5.10.1845 Le Deschaux

 

14/8 Gay Pierre x le 30.08.1814 Tassenières

x le 30.08.1814 Tassenières

15/9 Monamy Marie-Claudine dite Jeanne

 

16 Gay Bénigne ° 15.05.1757 / + 24.03.1818 Tassenières

x le 14.11.1785 Tassenières

17 Gabriel Pierrette + 24.09.1809

 

« - Mais au fait, tu ne m’as jamais dit comment tu as découvert la généalogie…

- Après avoir passé mon certificat d’études avec succès, je suis rentré dans un collège d’enseignement technique, poussé par mon père. Mes meilleures notes étaient en français-histoire et en dessin d’art et c’est grâce à ma prof de français que j’ai découvert la généalogie, en 1970, bien avant que ce ne soit devenu une mode.

- Et combien de temps es-tu resté au collège ?

- J’ai été viré au bout d’un an. Lorsque j’étais à l’atelier de serrurerie, j’inventais dans ma tête des opéras, d’où la réflexion du prof d’atelier à mon père : Christian est un poète.

- As-tu quand même fabriqué quelque objet ?

- Le prof a montré à mon père une serrure qui ressemblait plutôt à une silhouette de Giacometti, d’ailleurs le professeur de dessin d’art voulait que je rentre à l’école des beaux-arts vu mes talents en dessin… et en fait j’ai terminé comme aide-soignant. » 

 

Une autre personnalité figure dans notre arbre généalogique, par les Courcenet, je cite son nom en première partie : Jules Grévy.

 


 

Novembre 2003

J’ai fait un second passage à Tassenières en 1986, c’était la saison des mûres, j’en avais grappillé quelques-unes en attendant l’ouverture de la mairie. L’église paroissiale était aussi fermée, je me suis promené dans les allées du cimetière, j’y ai relevé des noms connus : Gay, Duvillet, Monamy…Un Alfred Gay est inscrit sur le monument aux morts, victime de la première guerre mondiale (si je ne me trompe) Cet Alfred me fait penser à un autre Alfred.

 

L’oncle Alfred est en réalité mon grand-oncle, dernier enfant de Charles-Henri et Marie-Philippine, il est né le 4 mai 1901 à Besançon. Il exerçait le métier de polisseur sur métaux, certainement en horlogerie. Les raisons de sa mort sont restées mystérieuses, il y a d’ailleurs trois versions contradictoires, ce n’était pourtant qu’en 1942, à Vesoul, en Haute-Saône, un sept août.

Première version : Alfred Gay, selon mon père, aurait volé un parapluie ; arrêté par la police il aurait été incarcéré et là se serait suicidé dans sa cellule … Souvent lorsque mon père piquait une colère, il me disait : « toi, tu finiras comme l’oncle Alfred ! »

Deuxième version : selon grand-mère Marcelle « il a été arrêté par les boches, il a voulu jouer au malin, ils l’ont tué à coups de crosses de fusils ! »

Dirai-je selon moi, ce qui pourrait être la troisième version, qu’Alfred étant épileptique, la famille couvrit sa maladie, tabou pour l’époque, par les récits … qui ont certainement aussi une part de vérité … mais laquelle ? Alfred, lorsqu’il fut appelé sous les drapeaux a été une première fois sursitaire, il s’était cassé un membre (la main ou le poignet ?). Plus tard, le 11 février 1923, il a été réformé pour épilepsie essentielle à l’hôpital militaire de Bordeaux. Je me suis rendu à Vesoul, la rue citée sur son acte de décès[4] est celle actuellement du Centre Hospitalier de la ville. Si ce centre existait déjà en 1942, il serait donc mort à l’hôpital.

Aucun médecin à ce jour ne peut expliquer vraiment ce qu’est l’épilepsie, du moins ce qui cause les crises[5]. Cette maladie est taboue encore aujourd’hui, c’est la peur de la maladie inexpliquée.

 

«- On dirait que tu as cet oncle tout particulièrement à cœur ?

- Tu as raison. Je me fais presque un devoir de rechercher la cause exacte du décès d’Alfred.

- Tiens, pourquoi donc ?

- Je tiens à la vérité quelle qu’elle soit, ce serait presque un soulagement pour moi.

- Tu me parles aussi beaucoup de Grévy, peux-tu me le situer par rapport à ta famille ? »

 

L’arrière-grand-mère du Président, Marguerite Courcenet, de Bretenières, décédée le 14 décembre 1749 à Aumont, avait épousé le 22 décembre 1710 Claude Grévy. Marguerite descend de Philibert Courcenet, le fils aîné de Dominique et de Thiébaude Noirot, la grand-tante de Marguerite était de ce fait demoiselle Etiennette Courcenet, son grand-oncle par alliance Jacques Gay[6]. Dominique Courcenet est l’auteur de deux branches, sur chacune d’elle apparaît un grand homme.

Jules Grévy, né le 15 août 1807 à Mont-sous-Vaudrey (Jura), est élu Président de la République le 30 janvier 1879, auparavant il fut Président de l’Assemblée nationale (1871-1873). En 1848 il épouse à Paris Coralie Fraisse. Réélu le 28 décembre 1885, il est contraint de démissionner en 1887. Il revient alors à Mont-sous-Vaudrey, où il meurt d’une congestion pulmonaire le 9 septembre 1891 ; il y sera inhumé après des obsèques nationales. C’est sous sa présidence qu’est instauré le 14 juillet en tant que fête nationale, la Marseillaise comme hymne national. Emile Combes (maçon aussi[7]) qui a renoncé à une vocation religieuse, engage en 1902 une lutte farouche contre « le péril clérical ». Tante Paulette m’avait écrit que la première maison des sœurs au Liban avait été fondée le 30 mai 1904, suite à la séparation de l’Eglise et de l’Etat ; la loi de séparation datant de décembre 1905, je pense qu’elle voulait plutôt parler de la loi interdisant aux congrégations religieuses d’enseigner, loi du père Combes !

Quittons les descendants du couple Dominique Courcenet / Thiébaude Noirot car j’ai très peu mentionné les ascendants de Marcelle, ma grand-mère paternelle. Elle est née le 3 février 1901 à Salans (Jura), ses parents sont cultivateurs, Charles Gustave Girardot (1873-1950) épousa le 22 mai 1899 Marie Bougnon (1874-1954). A quelques pas de la ferme, la forêt de Chaux, plus loin, bordant le chemin qui mène à Fraisans, les vignes, les prés … « Il sentait le poids de la forêt d’autour, l’inertie hostile de cette vaste pénombre recelant dans ses assises un grouillement nuiteux et sournois … » (La Vouivre). Les aïeux de Marcelle, Jean-Baptiste Girardot et Anastasie Loigerot se sont mariés à Salans le 11 décembre 1872 ; Anastasie (1844-1882) est une jeune fille native de Rurey (Doubs). Pourquoi a-t-on surnommé Charles Gustave « Bourbaki » ? Est-ce dû à l’année de sa naissance ? Ou serait-ce plutôt l’engagement du grand-père Jean-Baptiste avant son mariage en 1872 ? Ce serait à élucider !

Le général Charles Bourbaki[8] commandait l’armée de l’Est, en janvier 1871, destinée à débloquer Belfort, victorieux à Villersexel (Haute-Saône) il échoua devant Héricourt et fut obligé de passer en Suisse pour éviter que ses hommes ne fussent faits prisonniers.

Jean-Baptiste Girardot était-il sous les ordres du général ?

Le grand-père maternel de Marcelle, François-Léopold Bougnon, est né dans un village du Doubs, Les Fourgs, le 28 décembre 1842. il s’installa après son mariage en 1872 avec Thérèse Quenot à Salans, lieu de naissance de celle-ci. Si nous remontons plus loin, nous quittons Salans pour Courtefontaine (Jura) où naquit le 19 décembre 1785 Anatoile Girardot, cultivateur de son état. Lui aussi s’est établi dans le village natal de son épouse, Charlotte Rouget (1789-1868), la cérémonie nuptiale se déroula à Salans en décembre 1809. Anatoile est le n°48 dans les quartiers de mon père, Henri Gay ; papa a d’ailleurs beaucoup hérité dans sa physionomie des Girardot.

Marcelle avait à peine 13 ans quand éclata la Première Guerre mondiale, ainsi toute sa vie elle ne put supporter ce qui était allemand, j’en fus souvent le témoin.

En ce mois de novembre, j’aimerais ouvrir une parenthèse et vous faire « rencontrer » mon bisaïeul côté maternel, Armand Joseph Becker. Il est né au 48 rue d’Arènes[9].. De la classe 1910, Armand fut recruté au 60e régiment d’infanterie au premier jour de la grande guerre. J’ai trouvé sa fiche militaire sur Internet : mémoires des hommes. Armand Joseph, né le 6 avril 1890 fut tué à l’ennemi le 12 novembre 1914 à Hautebraye (Oise) et porté disparu. Mon arrière-grand-mère Lucie dut attendre le jugement rendu le 21 mars 1921 par le tribunal de Besançon pour savoir son mari reconnu mort pour la France ; un poilu témoigna qu’il vit Armand Becker tué d’un coup de baïonnette dans un corps à corps – Lucie restera veuve, élèvera son fils Charles, elle fera des ménages, se rendra au lavoir municipal pour ses  patrons, plongeant les mains dans l’eau froide et savonnant sur une planche draps et chemises. Armand Joseph avait épousé Lucie Ferrand le 23 avril 1910 à Besançon.

Charles Becker (1910-1975), pupille de la nation, épousera à l’église Sainte-Madeleine de Besançon Lucienne Hamel, fille d’un horloger d’origine suisse.

Armand Joseph est mort un 12 novembre, jour de ma fête, la Saint-Christian, il figure au numéro 12 de mes ascendants.

Je clos cette parenthèse pour revenir justement aux Girardot, particulièrement à Marcelle. Il me revient à l’esprit cette image, elle est à genoux dans l’herbe, au passage du Saint Sacrement, je l’accompagne alors au pèlerinage de Notre Dame de Mont-Roland (Dole), Marcelle chante en latin un magnifique cantique à Jésus-Hostie … en mai 1968, au moment des événements, elle dira haut et fort dans la cour du 9 à une voisine « - Qu’est-ce que le gouvernement attend de ramener à la frontière ce jeune boche qui est venu semer la pagaille chez nous ! » Non seulement les manifestations, les occupations d’usines menaçaient le gouvernement en place du général de Gaulle, mais l’étudiant membre d’un parti d’extrême gauche venait de l’autre côté du Rhin, comme ceux de 1870, 1914 et 1939 … aux yeux de Marcelle «  - ce rouquin va nous ramener les Russes ! » Un après-midi j’étais sorti dans Besançon avec grand-mère, au retour nous trouvons à l’appartement un de mes cousins avec sa correspondante allemande, Marcelle lance sans ménagement à René « -Tu les as laissés entrer ! Il ne manquerait plus que la boche se soit servie dans le buffet !! ». Mon cousin, mal à l’aise, se retira avec son amie sans avoir pris un café ou un sirop.

Marcelle, c’est aussi le chuchotement d’une prière avant de s’endormir, je l’entendais, car il m’arrivait de coucher dans sa chambre ; c’est aussi les œufs à la neige, un Nouveau Testament posé sur son chevet … la gravure de Notre Dame du perpétuel secours. En 1997, son regard bleu s’éteindra, son accent jurassien s’envolera vers la forêt de Chaux ! Aujourd’hui, c’est tante sœur qui me rappelle le plus grand-mère, les mêmes yeux, la même intonation de voix, elle fêtera ses 80 ans le 23 décembre. Dans sa dernière lettre elle m’écrit que les sœurs travaillent au fourneau économique et donnent à manger à une centaine de personnes nécessiteuses par jour.

 


 

Janvier 2004

Mon frère benjamin, Pascal, m’a envoyé un courrier comprenant des documents généalogiques, un héritage de son beau-père. Pascal et Sophie ont beaucoup aimé la première partie de mon essai, ils souhaitent connaître la suite. Notre cousin, J.F.Keller, a hébergé l’essai sur son site  Internet, lui aussi attend le seconde partie avec impatience … Je n’ai pas à travailler plus avant sur la branche de mon oncle Pierre Gay, mon cousin germain Philippe est comme moi célibataire.

Voyageons donc un peu en Alsace, une province de France que j’ai particulièrement à cœur pour y avoir séjourné longtemps. Les noms de Sierentz, Ensisheim ou encore Wintzenheim recomposent dans mon esprit des couleurs chaleureuses.

Le père de Sophie, monsieur Jean Rain, s’est éteint le 23 avril 2002, il est inhumé au cimetière israélite de Besançon. Marlène Vasseur, la mère de ma belle-sœur, est née à Amiens. Jean Rain et Marlène divorcèrent vers 1993 ; je reviendrai sur cette date. Je fis la connaissance de la belle-famille de mon frère le 25 juin 1982, jour du mariage de Pascal et Sophie. Je vivais alors à Paris. Pour la branche paternelle de Sophie, née le 11 février 1964 à Besançon, nous pouvons remonter jusqu’en 1750 à Uffenheim (68) et ce, grâce au dénombrement général des juifs tolérés dans la province d’Alsace en exécution des lettres patentes du 10 juillet 1784[10]. Le chef de famille se nomme alors Aron Salomon, son épouse Rela Ulmann, ils ont quatre fils et deux filles, Eva et Ziez … Si nous suivons l’ascendance directe de Jean Rain, nous nous trouvons sur le troisième rameau avec le fils Gotschel, époux de Judith Haas( voir généalogie ci-dessous).

Aron Salomon prendra le nom de Rain conformément au décret impérial de 1808, son fils s’appellera donc Rain Gotschel Aron. (Selon la tradition hébraïque : les deux prénoms indiquent Gotschel fils d’Aron). En 1800 à Sierentz naît Aron Rain[11], marié avec Eva Levy, ils eurent neuf enfants. Outre Gaspard, il y eut Paul, né en 1840 à Ensisheim qui fit sept années de service militaire et a été par la suite zouave pontifical … En 1928 il décède à Paris ; il eut un fils mobilisé en 1914. Nous trouvons dans les ramures Rain Henri, engagé volontaire à 14 ans en 1870 ; marié, il décède aussi à Paris vers 1917.

Le portrait que j’ai vu en 1982 à Vandelans dans le bureau de monsieur Rain est bien celui d’Yvonne Eisenmann (la grand mère de Sophie) et l’enfant qu’elle porte dans ses bras est son fils Jean. Monsieur Rain avait quatre oncles, tous mobilisés en 14-18 (Aaron, Gustave, Léon et Isidore).

 

Je passai les fêtes de fin d’année chez Pascal et Sophie en 1984 à Vandelans et fis ensuite un plus long séjour après février 1985, ce qui me permit de connaître un peu plus monsieur Rain. Il me parla de sa jeunesse à Paris et de son élevage de canaris. Pascal tenait sa quincaillerie, et moi je trouvai un emploi d’aide-soignant à la clinique Saint-Luc de Besançon, ce qui me donna l’occasion de quitter la capitale. Mais faisons court en ce qui me concerne : de 1974 à 1976 je travaille au centre hospitalier de Besançon, je pars ensuite m’installer à Strasbourg jusqu’en novembre 1981, toujours employé en secteur hospitalier et en qualité d’aide-soignant après juin 1979. De décembre 1981 à février 85 je demeure à Paris. Je serai embauché en mai 1987 comme animateur polyvalent par l’Armée du Salut de Mulhouse … je resterai en Alsace jusqu’à ma venue ici au Puy-en-Velay en 1992. C’est pourquoi les noms de Ensisheim, Wintzenheim, Reguisheim me parlent tant. (J’ai appris l’alsacien)

Monsieur Jean Rain a eu deux filles de son mariage avec Marlène Vasseur, Sophie, l’aînée, et Mathilde, née le 1er janvier 1970, qui a épousé en octobre 2001 Jean-Luc Vernerey ; ils ont une petite Margot. Pascal désire sauvegarder la tradition de son beau-père, ceci me touche particulièrement. En 1993, j’avais noté plus haut que j’y reviendrais, c’est l’année où mon frère et ma belle-sœur sont allés en Thaïlande, de leur voyage ils me rapportèrent un bouddha magnifique. Il est vrai de dire que « mon petit frère » fut et sera encore ma petite lumière, nous sommes un peu les étoiles filantes de la famille …

 



Les descendants de Götschel Aron.

 

Archives de la famille Rain comprenant une généalogie manuscrite dressée par Marcel Rain en 1951

 

Rain Götschel Aron ° 1770 Uffenheim (68)                        3 frères: Abraham, Gaspard, Jaudel

x  Haas Judith

 

 

 


Rain Aron ° 1800 Sierentz (68) / + 1880 Besançon

x Levy Eva ° 1805 / + 1882

 

 

 


Salomon           Jacques        Gaspard                Paul                 Jules         Fromentine  x Meyer

° Reguisheim                       (1839-1927)   ° 1840 Ensisheim                    Caroline x Freymann

                                                                    + 1928 Paris                            Marie x Meyer 

                                                                   (zouave pontifical)                   Elise x Mayer

 

 


            Henri    ?      ?             Marcel  

            (militaire)                     (1888-1970)

                                              x  Eisenmann Yvonne

 

 

 


                                   Rain Jean                         Rain Nicole

                                   (1922-2002)                  ° 1924

 

 

 


           

Rain Sophie                 Rain Mathilde

            ° 1964 Besançon         ° 1970 Besançon

            x 1982 Ornans             x 2001

            Gay Pascal                  Vernerey Jean-Luc

                                               Vernerey Margot



Les descendants de Gay René Louis Armand.

 

Première génération

GAY René Louis Armand ° 31 X 1897 Besançon (25)

+ 28 IV 1972   (soldat au deuxième régiment de bombardement et

                        au 32e régiment d'aviation 1917-1919)

agent SNCF          x  19 VIII 1922  Salans (39)

GIRARDOT Marie Marcelle Joséphine  + 4  X  1997 Avanne (25)

 

Deuxième génération

René, dont :

 

1. GAY  Paulette  (Soeur René-Marcel)

religieuse au Moyen-Orient (Professeur)

Après cinquante-cinq ans de mission a retrouvé la communauté des Sœurs de la Charité de Besançon en 2001

 

2. GAY Renée ° 11 XI 1925 Besançon

 

3. GAY Pierre ° 16  I  1927  + 3 VI 1995 Besançon

photographe

x 31 XII 1954  Besançon

VAGNEUX Antoinette Thérèse

 

4. GAY Henri René Gustave ° 17 VII 1930 Besançon

x 10 IV 1953 Besançon

BECKER Anne-Marie Charlotte Lucienne  °  22  VIII  1935  Besançon

 

5. GAY Simone ° 30 VIII 1935 Besançon

 

Troisième génération 

Henri, dont :

 

41. GAY Christian Pierre Lucien ° 5 IX 1954 Besançon 

agent service hospitalier / aide-soignant

sans alliance

auteur de l’essai généalogique

 

42. GAY Alain Michel Simon  ° 4 IV 1957  Besançon  + 6 IV 1957

 

43. GAY Jean-Luc Charles ° 18  I  1961 Besançon

x  20 III 1982  Ornans

AMIOT Evelyne

 

44. GAY Pascal Jean Emile ° 15 X 1964 Besançon

x 25 VI 1982 Ornans  RAIN Sophie

 

45. GAY Patricia Joséphine Michelle ° 28 IX 1970 Besançon

x 15 VI 1991 Ornans (25)

BELPOIX Eric

 

Quatrième génération

Jean-Luc, dont:

 

43.1  GAY Géraldine ° 20 VI 1983

43.2  GAY Nicolas ° 18 II 1993

 

Rameau 2

Pascal, dont:

 

44.1  GAY Jean-François ° 31 VIII 1983

44.2  GAY Pierre-Olivier ° 27 IV 1986

44.3  GAY Marie-Charlotte ° 15 III 1992

 

Rameau 3

Patricia, ép. Belpoix, dont :

 

45.1  BELPOIX Marie-Cécile

45.2  BELPOIX Tristan

 


 

29 janvier 2004 – Dernièrement j’ai pu consulter à loisir des ouvrages se trouvant dans l’imposante bibliothèque de mon amie Colette.

Il est noté dans l’encyclopédie générale Larousse qu’après la convocation par Napoléon 1er du « Grand Sanhédrin » les communautés juives furent organisées en consistoires régionaux avec à leur tête un consistoire central. Quel ne fut pas mon étonnement d’apprendre qu’il a fallu attendre la quatrième session du concile (1965) pour qu’une décision solennelle innocente les juifs de leur responsabilité dans la mort du Christ.

Notre ami Marcel Aymé écrit dans son roman « Gustalin »[12], publié chez Gallimard en 1938 : « Mais oui ; mais comment, vous n’êtes pas au courant ? Victor, ils ne sont pas au courant… Vous savez peut-être que je suis juive ? » Tante Sarah fit une pause et, avec curiosité, regarda Hyacinthe et sa femme. Mais à Chesnevailles, on ne connaissait de juif que le nom. Il y avait beau temps que le curé ne pensait plus à les désigner comme les bourreaux du Christ. » et quelques pages plus loin nous pouvons lire : « Dans ces occasions-là, sur le chapitre des juifs, il avait beaucoup à dire. Les juifs raisonnaient comme si le monde existait pour satisfaire à des raisonnements …/ Tante Sarah écoutait avec bonté, l’index enfoncé dans le gras de la joue. » (« Il » = Victor).

Je savais avoir dans ma cantine métallique une autobiographie d’Albert Schweitzer « Souvenirs de mon enfance ». Dans le chapitre 2, l’illustre organiste et théologien protestant raconte : « Il y avait dans le village voisin un juif du nom de Mausché qui faisait le commerce du bétail et des terres et qui traversait parfois Gunsbach avec sa charrette et son âne. Comme à cette époque, aucun Israélite n’habitait notre village, c’était chaque fois un événement pour les gamins. Ils couraient après lui en se moquant … » plus loin Albert Schweitzer poursuit : « De temps à autre, il se retournait vers nous avec un sourire embarrassé et indulgent. Ce sourire me désarma. Ce Mausché le premier m’a appris le silence dans la persécution. »

 

Aujourd’hui, je pense avoir tout dit. Il y a encore des voies cachées, mais peut-être veulent-elles rester dans l’ombre ! Laissons ceux qui sont « hors-du-temps ». Nous enverront-ils quelques reflets de leur présence … s’ils le désirent ! L’écriture a toujours eu une place privilégiée dans ma vie de tous les jours. Le sonneur à ventre jaune réveillera-t-il dans mon âme d’autres souvenirs ? Certainement ! Faire rejaillir du néant des prénoms, le parler, les joies et les coups de gueule des anciens … laisser une trace, car dans un siècle, nous serons « des anciens » ! Et l’histoire continue …



[1] Société des Amis de Marcel Aymé, boîte postale 258 – 39 103 Dole cedex.

[2] « Israël-Palestine » document publié en 2002 dans Librio – Le Monde. « La Cisjordanie est coupée en trois zones, la A est exclusivement palestinienne. La B est mixte. La zone C comprend 144 colonies juives officielles, une vingtaine dite « sauvage », au total 171 000 colons, territoire à 60% israélien.

[3] Registre (acte mariage n°2) année 1853 Tassenières – Contrat de mariage Claude Poussot / Marie Gay daté du 11 janvier 1853, dressé par maître Versey François.

[4] Etat-civil Mairie de Vesoul

[5] Pierre Jallon, médecin, auteur de « L’épilepsie » PUF 2002 n°2693.

[6] Généalogie : Dominique Courcenet ép. vers 1628 Noirot Thiébaude, de Rye (39)

dont :

1 - Philibert Courcenet ép. le 11 septembre 1651 Claudine Dussot à Bretenières

2 - Claude Courcenet

3 - Etiennette Courcenet ép. Gay

[7] Roger Dachez, Président de l’Institut maçonnique de France « Histoire de la Franc-maçonnerie Française » chapitre II édition « Que sais-je ? » 2003 n° 3668

[8]  Bourbaki Charles 1816-1897.

[9] Armand Joseph Becker Extrait de naissance réf . 1890-acte n° 312, ville de Besançon

[10] Dénombrement général des juifs tolérés/lettres patentes du 10.07.1784 : voir Colmar (Haut-Rhin) 1785 – BN L.d. 184290. Numéro du dénombrement : 21

Chef : Aron Salomon / femme : Rela Ulmann

[11] Une note à l’intention de Marcel Rain certifiant la naissance en 1770 à Sierentz de Gotschel Aron Rain, (cette dernière confirmant la filiation de fait avec Aron Salomon)

[12] Marcel Aymé « Gustalin » roman, éditions Gallimard, 1938. (Le livre de poche) 12. 1971